Le problème de l'Etat dans l'Etat Tunisien

Publié le par tunisie-revolution

  par Bilel Chabbi,

La situation en Tunisie pose globalement deux questions :

 

-Pourquoi le gouvernement ne démissionne pas?

-Qui est, véritablement,  aux commandes ?

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Pourquoi le gouvernement ne démissionne pas?

 

Leurs arguments , si nous étions tenté de les croire, font apparaître des hommes altruistes qui voudraient le bien du pays , une continuité de l'état pour ne pas sombrer dans le chaos, qui voudraient organiser des élections libres et démocratiques, et qui voudraient ainsi sortir la tête haute par la grande porte , l'Histoire retiendrait ainsi d'eux les sauveurs qui ont permis la transition démocratique. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et leurs complicités au régime ne serait de facto pas retenue.

Je vais être naïf et je vais le croire. Je vais croire que ces gens-là, qui pleurent à la télé et qui font des discours à base de "ti bellehi sad9ouna!!" , non aucuns intérêts à se maintenir aux pouvoirs. Je vais croire que ces gens-là, au vue du sang de leurs concitoyens, ont changé, et n'ont plus soif de pouvoir mais soif de justice et d'honneur. Je vais croire que ces gens-là ont compris les aspirations à la liberté des tunisiens. Je vais croire que ces gens-là, dorénavant, sont notre meilleur chance d'arriver à un système démocratique. Je vais croire que leur seul intérêt dans toute cette histoire , c'est qu'ils puissent se racheter .

 

Oui , je vais le croire , en dépit du bon sens , en dépit de la logique politique , en dépit de l'Histoire.

 

Mais même avec toute ma bonne volonté , ce sera mentir de dire cela.

 

Ces gens-là ont compris le peuple durant le mois de décembre , puis ne le comprennent plus maintenant?

Ces gens-là voudraient ce qu'il y a de mieux pour ce pays et pensent être les meilleurs?

Ces gens-là voudraient se racheter alors que cela n'a jamais été leurs souhaits 23 ans durant ?

Ces gens-là voudraient des tunisiens véritablement libres alors que les menottes de la dictature ne les ont pas gêné tout ce temps ?

 

A première vue , je ne comprends pas leurs buts . Pourquoi ces gens-là désirent se maintenir au pouvoir , ne serait-ce que pour 6 mois ? Cette question défi la logique première. Le comportement de Ben Ali , avec sa fuite , est largement plus logique que le comportement de ces guignols en postes.

 

Mais allons plus en profondeur, comme en physique , la physique quantique peut contenir des règles contradictoires avec les règles communément admises.

 

A la question , pourquoi ne veulent-ils pas lâcher le gouvernement, je ne peux répondre que par cela :

 

Ils n'ont pas le choix. Du moins , pas de choix correct.

La mafia derrière ces 23 ans est loin d'être affaibli. L'appareil dictatorial est encore largement en place. Lorsque Ghannouchi nous parle de continuité de l'État, il ne parle pas de l'État de droit , non , il parle de la mafia.

 

Mettons nous à leurs place. 23 ans de pouvoir total. Pas une semaine ou deux, un quart de siècle. Ces gens-là ne connaissent plus rien d'autre. Un homme qui torture des gens pendant 20 ans , à la fin , que sait-il faire d'autre? Cet homme là est-il capable de comprendre que ceux qu'il a déshumanisé durant tout ce temps sont en fait des humains ?

 

La clique Ghannouchienne ne peut pas comprendre que les Tunisiens sont des adultes. Non , pour eux , nous avons besoins d'un maître. C'est ça qu'il faut comprendre lorsqu'il dit qu'il garde les postes des anciens du régime pour éviter le chaos.

 

Logique implacable , selon lui :

Nous avons été au pouvoir pendant 23 ans.

Pendant 23 ans la situation était stable.

Sans nous , la situation ne peut-être que chaos.

CQFD.

Un bon gros sophisme en règle.

 

 

Mais plus que cela , Ghannouchi and co sont aussi victime de ce système.

Appelons le système RCD , vu que c'est son nom.

Ce système a durant 23 ans tissé ses toiles dans toute la société tunisienne.

Ce système aujourd'hui a reçu pour la seule fois de son histoire une petite claque.

Cela a fait trembler toute la toile , mais elle est encore là et nous étouffe.

En attendant que les vibrations dû à cette claque se calment , ce système recherche la seule chose vitale pour lui : la stabilité.

Pour être stable , le RCD doit avoir un point d'ancrage. Ce point d'ancrage est le gouvernement de transition.

Ils essayent tout simplement de gagner du temps , la reconversion du RCD prends du temps. Le temps de brûler les archives , de faire disparaitre les grosses pointures, le temps de réfléchir à un moyen de passer entre les mailles du filet du Nouveau Régime , qui n'existe pas encore d'ailleurs.

 

Cela nous emmène à la question numéro 2 . La plus importante selon moi.

 

Qui est, véritablement,  aux commandes ?

 

Pour répondre à cette question , il faut d'abord rapidement expliquer le fonctionnement de l'État Tunisien ces 23 ans passés. 

Il y avait l'état visible et l'état invisible. L'état visible était représenté par Ben ali and co . Et l'état invisible avait pour membre ZABA.

Pour comprendre pourquoi ces 23 ans , il n'y a eu pratiquement aucune révolte ou révolution , il faut comprendre une chose. L'état invisible était (il l'est toujours) partout.

 

La liberté d'expression n'existait pas. Pas parce que les gens ne voulaient pas parler , mais parce que les gens ne le pouvaient pas. L'appareil de Sureté de l'État était partout.

 

Il suffisait qu'un tel commence à parler politique pour qu'il soit mis sur écoute. Il suffisait que la police politique soupçonne un tel pour qu'il soit filé. Il suffisait qu'un tel dénonce un tel pour que ce dernier soit surveillé.

 

A ce stade , ce n'était plus tuer la liberté dans l'œuf , c'était carrément éradiquer la poule pour qu'elle ne ponde rien .

Et cela n'a été possible que par une seule chose : le nombre incroyable de fonctionnaire au sein de cette mafia. Le nombre d'agent secret intérieur était tel qu'à Tunis par exemple , il suffisait de parler dans un café du président pour être sûr d'être repéré.

 

Le problème qui perdure jusqu'à aujourd'hui est le suivant : cet état dans l'état , ce système RCD , à la base déjà , n'obéissait pas à une chaîne de commandement défini. Il obéissait simplement à une logique simple et clair : mettre la population sous écoute.  La majorité des "petites" affaires n'arrivaient très certainement pas aux oreilles du dictateur , il serait d'ailleurs devenu sourd tellement il y en avait.

 

Cet état invisible n'a donc pas de commandement défini ou connu . Même si l'on coupait la tête à toutes les pointures trois étoiles du RCD , le système perdurerait toujours suivant la même logique de collecte d'information sur la population. C'est là que le RCD a quand même besoin de certaine grosse tête au sein du gouvernement. Ce fameux point d'ancrage.

 

Durant 23 ans, ce système se suffisait à lui-même, il était auto-alimenté . Tant que la population vivait, cette mafia prenait de l'importance. Mais aujourd'hui , elle doit se redéfinir si elle veut continuer d'exister. Pour se reconvertir, elle a besoin de temps.

 

Ce système ne répondait à aucune loi, à rien ni personne pendant 23 ans!!! Il serait utopique de croire que du jour au lendemain, parce que le grand chef s'est barré en Arabie Saoudite, il allait changer leur fonctionnement par un fonctionnement plus clair et plus respectueux des règles!

 

 

Aux état-unis , on appelle ça le complexe militaro-industriel. En Tunisie , cet État dans l'État s'appelle le RCD. Mais le fonctionnement n'est pas si différend que ça

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